Parcours

HISTOIRE

Une histoire singulière en 3 temps :

c-j-2004

La maladie qui fait basculer dans la vie associative

Il avait 5 ans, superbe, joyeux… Mais je sentais que quelque chose clochait. J’ai appris qu’il était gravement malade, une maladie inconnue pour moi et pour ma famille : la myopathie de Duchenne, une maladie des muscles qui s’aggrave au fil des ans, inexorablement. Pas de traitement, mais une association active : l’AFM-Téléthon, acteur de la recherche scientifique internationale sur cette maladie. Seule perspective, du temps devant lui, du temps dont il me fallait faire quelque chose pour l’aider, pour trouver des ressources pour s’en sortir. Impossible pour moi de rester inactive en assistant à son lent déclin. J’ai donc rejoint l’Association Française contre les Myopathies (AFM-Téléthon) où j’ai trouvé un lieu où ancrer une action, pour moi, pour mon fils. Un lieu où j’ai appris, milité contre cette maladie, et rencontré des chercheurs. Faire quelque chose de ce malheur, en faire un moteur pour agir, avec une seule idée en tête : accélérer la recherche vers un traitement. J’allais désormais y consacrer tout mon temps même si cela signifiait faire une croix sur ma vie professionnelle.

Un pari sur une recherche avec une perspective thérapeutique et une course contre la montre

En 2002, c’est la fin pour moi au conseil d’administration de l’AFM, je pars et créé une association dans le sillage de deux associations, américaine et hollandaise : Duchenne Parent Project. Cela me va bien, je suis justement une maman qui ressent le besoin d’impulser une solution pour la maladie rare de mon fils, de faire bouger les lignes. C’est mon projet. On commence alors à parler de nouvelles méthodes pour corriger certains défauts génétiques en agissant sur la maturation des ARN messagers produits par le gène défaillant de la maladie de mon fils. J’ai l’intuition que cette piste que les spécialistes appellent ‘saut d’exon’ peut offrir des perspectives thérapeutiques pour la myopathie de Duchenne. Je demande à un chercheur, spécialiste des maladies neuromusculaires, de creuser cette piste et on tombe d’accord : il faut s’intéresser à cette approche et initier nos propres travaux. Avec le soutien de ce chercheur, biologiste moléculaire, qui va bientôt partager ma vie, je fédère quelques familles autour de ce projet, bâtis des liens entre les associations de malades et la recherche, conjugue nos forces. Tous les deux, car c’est une histoire d’amour et de travail, entre 2003 et 2007, nous commençons par faire un état des lieux des recherches dans le monde sur la myopathie de Duchenne en réunissant les spécialistes internationaux sur la maladie avec pour objectif d’évaluer et soutenir les stratégies thérapeutiques les plus prometteuses ; thérapie cellulaire, thérapie génique, petites molécules et les techniques de saut d’exon avec des oligonucléotides antisens qui arrivent à maturité et aux portes de la clinique.

pari-recherche

Nous décidons alors de soutenir plus spécifiquement les travaux de recherche utilisant cette technique qui permet de corriger certaines anomalies du gène DMD. Celles-ci, en particulier les délétions, provoquent un décalage du cadre de lecture du produit du gène abolissant la fabrication de la dystrophine, la protéine codée par le gène DMD qui est nécessaire au maintien en bon état des muscles. De 2008 à 2010, nous réunissons un réseau collaboratif de scientifiques internationaux travaillant sur ces stratégies en amont du lancement d’essais cliniques de thérapies géniques ou cellulaires, combinées ou non au saut d’exon. On avance, des pistes se dessinent, les technologies progressent et de nouvelles se font jour. Le choix du saut d’exon semble le plus réaliste au vu de son état d’avancement et des moyens qui nous sont alloués. En particulier nous misons sur une nouvelle classe d’oligonucléotides antisens faits de tricyclo-DNA, des analogues nucléotides synthétiques, que personne n’a encore appliquée à la myopathie de Duchenne, ni évalué chez l’humain. A ce moment-là j’ai l’impression qu’on tient une piste sérieuse, faisable dans le temps qu’il nous reste. Je garde espoir malgré les années qui passent. Je me répète : le temps de la recherche n’est pas le temps de la maladie. Mon fils atteint ses vingt ans.

Le développement d’un médicament et l’entrée dans la clinique avec toutes ses incertitudes mais aussi l’espoir d’un traitement

ESPOIR

Si la gestion et l’éclosion de ces stratégies thérapeutiques n’auraient pu se faire sans une recherche académique d’excellence, leur traduction en véritable solution thérapeutique nécessitait une logique entreprenariale focalisée sur les développements cliniques des candidats médicaments et leur pré-industrialisation. Pour cela Duchenne Parent Project France cofonde deux sociétés : Synthena en 2012 (ChemTech experte en tricyclo-DNA) hébergée à l’université de Berne en Suisse, puis SQY Therapeutics en 2015 (BioTech pour la conception des cibles thérapeutiques et les futurs développements cliniques) à l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Ces deux instruments étaient indispensables pour atteindre nos objectifs. Je prends la direction de SQY Therapeutics qui passe de 5 à une vingtaine de salariés en 2023.

le-developpement-d'un-medicament

Parents de garçons malades, nous ne sommes plus simples spectateurs mais acteurs de la bataille du médicament. On doit garder le cap quoi qu’il arrive ; gérer les hauts et les bas, tempérer notre impétuosité, encaisser les déceptions scientifiques qui nous font repartir en arrière, les promesses qui tardent à se concrétiser. Avant tout, et à tout prix, concevoir un remède conciliant efficacité et sécurité pour les malades. Enfin, SQY Therapeutics met au point un oligonucléotide-tcDNA prometteur qui semble répondre à ces deux objectifs, efficacité et sécurité : « SQY51 » pour le saut de l’exon 51 du gène DMD. Parallèlement à la recherche de candidats pour d’autres exons DMD, nous rentrons de plain-pied dans le monde du développement clinique ; un monde de contrats, de chaines d’approvisionnements pour la fabrication du médicament, de dossiers réglementaires, de procédures. Un dossier de demande d’essai clinique en vue d’évaluer la sécurité et l’efficacité du SQY51 est déposé auprès de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) en 2021. Celle-ci donne l’autorisation à SQY Therapeutics de démarrer son essai clinique AVANCE-1 chez 12 patients, éligibles pour le saut de l’exon 51, en novembre 2022. En juin 2023, le premier patient est injecté avec un oligonucléotide antisens de nouvelle génération pour la première fois (First in Human). Mon fils fait partie des patients inclus dans l’essai clinique AVANCE1. Il a dépassé la trentaine.

L’espoir d’un médicament est maintenant bien réel mais le chemin est encore long. Le pari n’est pas encore gagné. Le combat continue.